La sécheresse a des conséquences visibles : terres craquelées, pelouses jaunies, fleurs desséchées… Et celles qui passent inaperçues tant qu’on ne s’y attarde pas. La biodiversité des cours d’eau est touchée. Exemple avec l’écrevisse à pattes blanches.
Grâce à une eau fraîche et bien oxygénée, une population d’écrevisses à pattes blanches a élu domicile dans un adou du Buëch. « Un adou est une résurgence permanente de nappe. Ce cours d’eau, qui rejoint plus loin une rivière, ici la Chauranne, a un système un peu autonome », présente Yannick Pognart, inspecteur de l’environnement à l’Office français de la biodiversité (OFB). Depuis plus de dix ans, cette population est suivie. Des comptages sont faits. « L’adou est une zone de refuge car le milieu est stable », poursuit-il. Normalement, l’eau reste fraîche, même en été. Entre la sécheresse qui sévit depuis le mois de mai et les pics de chaleur, la température de l’eau augmente. Inévitablement. « Le débit naturel de l’adou est insuffisant pour l’ensemble du linéaire. Aujourd’hui, on a un filet à 0,5 litre par seconde. Les écrevisses, espèce polluo-sensible, meurent car elles sont sensibles à la chaleur et au manque d’oxygène », observe l’inspecteur.
Un comptage à l’automne
Régulièrement, Yannick Pognart parcourt le lit de l’adou à la recherche des écrevisses. Samedi 13 août, plusieurs spécimens sont retrouvés morts. Mais sous une roche, une femelle est vivante. L’espoir de voir perdurer cette population autochtone dans l’adou. Outre les écrevisses, l’eau est indispensable à d’autres espèces. Chevreuil et oiseaux viennent boire dans les flaques encore existantes. Les amphibiens comme les grenouilles sont présents. « Quand une flaque s’assèche, il est possible que le cycle ne soit pas fini », prévient l’inspecteur de l’environnement. Les insectes volants ont généralement un stade larvaire dans l’eau.
Les prochaines pluies annoncées vont permettre aux poissons comme aux écrevisses de subsister dans leur milieu. Pour mieux quantifier les conséquences de la sécheresse sur la population des écrevisses à pattes blanches, il faudra attendre une nuit d’automne et le prochain comptage.
Trente cours d’eau sous surveillance
L’office français de la biodiversité fait partie du réseau Onde, de l ’observatoire national de l’étiage , depuis dix ans. « On surveille trente cours d’eau du département de mai à septembre. En cas de sécheresse prolongée, cela peut se poursuivre en octobre. Les relevés bimensuels permettent d’obtenir un indice sur 10, sachant que plus on est proche de 0 et plus la situation est dégradée. Au 10 août, l’indice est de 4. Depuis dix ans, une seul fois l’indice a été plus bas : 3,8 en 2017. Mais c’était fin septembre », détaille Yannick Pognart, de l’OFB. Cet indice est pris en compte par la préfecture pour décider du niveau d’alerte de chaque bassin-versant et des restrictions engendrées. « Jamais un seul bassin-versant des Hautes-Alpes n’avait été situation de crise », souligne-t-il. Actuellement, il y a l’Aeygues, le Drac-Gapençais et le Buëch-Méouge.
Longévité, intensité et récurrence
Sur les 30 cours d’eau, 60 % sont actuellement à sec. Tous les cours d’eau méditerranéenne ont déjà connu des sécheresses. « Cette année, ce qui change, c’est sa longévité, son intensité et sa récurrence. On est déjà à huit mois de déficit pluviométrique. C’est accentué par des périodes de chaleur avec des températures au-dessus de 30 degrés. Alors que l’eau est à 18-19 degrés, elle monte à 22 voire 26. Par exemple, une truite fario a des difficultés à s’alimenter dans une eau à plus de 20 degrés et au-dessus de 25, ce n’est plus son milieu. On risque de perdre des espèces patrimoniales présentes dans les cours d’eau », développe Yannick Pognart, de l’OFB.
En période de sécheresse, les cours d’eau sont aussi davantage soumis à la pollution. Les rejets ne sont plus dissous naturellement par la rivière. Il peut donc y avoir une concentration de polluants dans les eaux chaudes. De plus, le développement d’algues dégrade les habitats.
Article Dauphiné Libéré du 14 août 2022.
