Le Léman, le Bourget… et maintenant le Lac de Serre-Ponçon : les lacs alpins sont un par un colonisés par une moule de trois centimètres de long venue d’Europe de l’Est. Elle est une menace pour la biodiversité. Les pêcheurs sont appelés à être vigilants durant leurs déplacements.

6 février 2023, Damien Combrisson est au bord du Lac de Serre-Ponçon, à son plus bas niveau. Face au scientifique du Parc National des Ecrins, chargé de missions sur la faune invertébrés, s’étalent des essaims de moules. Et là, sous le limon, au milieu des zébrées présentes depuis un douzaine d’années, Damien observe pour la première fois sa cousine, elle aussi désignée espèce exotique envahissante : la moule Quagga, plus coriace que la zébrée, qu’elle finit souvent par supplanter.
Elle mesure 35 mm, sa taille adulte à trois ans.
« On estime donc que l’espèce est apparue sur Serre-Ponçon en 2019 ou 2020, explique Damien. « La moule Quagga vient d’Ukraine, du delta du Dniepr. Sur Serre-Ponçon, on est en tête du bassin versant, donc on imagine que son origine sur le lac est d’origine anthropique, c’est à dire liée à l’homme ». L’hypothèse la plus probable est que des moules ont été transportées par des bateaux : soit des adultes fixées aux embarcations, soit des larves microscopiques cachées dans les reliquats d’eau des moteurs thermiques, par exemple.

LE DANGER
« La Quagga, comme la zébrée, est une très bonne filtreuse, reprend Damien Combrisson. Donc une des conséquences est que la transparence de l’eau augmente. Un maximum de lumière peut entrer et la végétation aquatique se développe. Cela modifie l’écosystème. Certains y trouvent leur compte, notamment pour la fraie de certains poissons. Mais il y a des risques réels d’encrassement biologique ».
Les moules peuvent en effet s’accrocher aux deux espèces d’anodontes autochtones, classées vulnérables sur le lac et les étouffer.
Stéphane Jacquet est directeur de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Il multiplie les plongées en bouteille sur le Léman et le Bourget. « Elles se fixent partout, témoigne Stéphan Jacquet. Ce sont des amas qui colonisent les rochers, les sédiments, les épaves, les infrastructures. Une moule peut aussi servir de support… à une autre moule ! »
On vous conseille d’ailleurs une vidéo sur Youtube, (https://www.youtube.com/watch?v=Xt4GNt3z-xs) tournée en subaquatique, pour se faire une idée de l’impact de la Quagga. On y voit une écrevisse signal porter difficilement une vingtaine de moules sur le corps. « Aujourd’hui, on ne peut que constater sa présence, soupire Stéphan Jacquet. Il est impossible de l’enlever. Alors on l’étudie, on mène des recherches pour mieux comprendre ses capacités de reproduction et d’adaptation. Les Etats-Unis sont aussi touchés ( depuis 1989 sur le Lac Lérié), ils ont 25 ans d’avance et n’ont pas trouvé de solution…

SEULES LA PRÉVENTION…
Mais revenons à Serre-Ponçon. Ce premier signalement en Région PACA inquiète, car c’est maintenant tout un territoire qui est menacé. L’OFB et le syndicat mixte (SMADESEP) prennent le relais. L’enjeu est d’éviter que d’autres plans d’eau soient touchés. L’été, la fréquentation du lac est à son maximum. Les autorités vont donc informer les usagers du lac avec des tracs et des tournées, pour leur demander de laver leurs embarcations.
Côté pêche, on suit l’affaire de près. « La moule Quagga peut être hôte de certains pathogène. Surtout nous n’avons déjà pas une quantité de plancton phénoménale, alerte Vincent Duru, directeur de la Fédération de pêche des Alpes de Hautes- Provence, cogestionnaire du lac avec la Fédération des Hautes-Alpes. Quand on abaisse la charge trophique, on diminue la population piscicole. Cela peut être une menace sur le corégone, par exemple, et par rebond, sur le brochet ou la truite lacustre ».
La Fédération de pêche voisine ne veut pas verser dans le pessimisme« Ce qui sauve le lac, c’est son marnage, fait remarquer David Doucende, chargé de missions pour la Fédération de pêche 05. En hiver, les moules qui se retrouvent à l’air libre meurent. On a pas vu de différence notable niveau pêche et certains poissons, comme la perche, l’ont intégrée à leur régime alimentaire.
Une campagne de communication est tout de même prévue auprès des pêcheurs. On compte sur vous pour partager cette information et donner l’exemple dès cet été !
Article et photo : “La pêche et les poissons” – Nicolas Bensussan Juillet 2023.

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